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L’ #Endométriose pour les nuls

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Ah oui, c’est la maladie où t’as mal pendant tes règles.

Alors… comment te dire… Au mieux tu es mal renseigné·e ? On remerciera au passage les sites institutionnels français pour lesquels cette maladie équivaut à « règles/procréer/procréer/procréer » [je cite]. Voire tu n’as pas cherché à te renseigner un peu plus. Au pis tu nies la spécificité de cette maladie parce que hein, bon, toutes les femmes ont mal durant leurs règles, tout le monde a un peu une endométriose !

Non. C’est une inflammation du corps, c’est une maladie de la douleur. Avoir mal, la nuit et le jour, avant et durant les règles certes mais aussi avant et durant l’ovulation, et avoir mal entre les deux, incroyable ! Donc 10 ou 20 jours chaque mois, parfois chaque jour de chaque mois parce que l’inflammation ne s’arrête pas en quelques heures. Certains mois il y aura plus de douleurs, d’autres moins, certaines femmes auront plus mal, d’autres moins, sans qu’on ait la moindre idée du pourquoi et du comment, sans que cela soit lié à ton rythme de vie, à l’alimentation, au sport ou à la température de la pièce. Je te l’avais déjà dit, l’endométriose n’a pas de règles. Ce qui est certain en revanche, c’est la présence régulière de la douleur lancinante, ou qui pique, ou qui poignarde, ou qui tire, qui épuise en tout cas.

Mais tu as été opérée, tu as un traitement…

L’opération est un pis-aller : cela n’est aucunement une solution et aucunement une guérison. C’est un répit de quelques mois à quelques années, une moindre souffrance espérée avant la récidive. Ou : avant que l’empiètement quotidien de cette maladie ne te fasse craquer, que serrer les dents ne marche plus, que la litanie ibuprofène-paracétamol-acupan-codéine-tramadol soit épuisée.

Et de traitement il n’y en a AUCUN. Il y a un tour de passe-passe bien pratique qui permet de ne pas se presser à financer la recherche et à développer un médicament spécifique, certaines pilules progestatives et injections d’analogues de la GnRH peuvent contenir les douleurs chez certaines patientes. En quatre ans, j’ai testé et retesté sept ou huit molécules, puis en variant les dosages, pour avoir une « stratégie thérapeutique » suffisamment stabilisante et aux effets secondaires acceptables. [Pour la petite histoire : parvenue à un équilibre précaire, c’était sans compter l’arrêt soudain en août de la production et son contingentement par le seul laboratoire fabriquant ce traitement. Recommence alors l’errance dans les molécules et les dosages, chaque changement entraîne des crises, des symptômes burlesques gênants douloureux. J’ai finalement retrouvé la molécule et le dosage de départ… qui ne conviennent désormais plus à mon corps. J’ai compté trois jours sans douleur diurne ou nocturne ces deux derniers mois. Devenir livide, se couvrir de sueur soudain parce que je ne peux plus tenir assise tellement j’ai mal. Ne pas avoir porté de jean depuis deux ans. Être réveillée trop régulièrement à partir de 2h du matin parce que j’ai mal. Ou, selon le dosage du progestatif, dormir 14h et passer une journée léthargique à lutter contre l’endormissement et la douleur.]

Donc non, on ne guérit pas l’endométriose. On refile de vieux médicaments [c’est pour des femmes hein, alors bon], et pendant ce temps quelques déclarations d’intention gouvernementales, quelques effets de manche, et deux ou trois célébrités pleurant leur fertilité perdue devant les caméras [Il semble que c’est le seul élément de cette maladie qui intéresse réellement en France parce que c’est ce qui fait pleurer dans les chaumières : fertilité, procréation ! Les vies intimes, corporelles, sociales et professionnelles bousillées de nombreuses femmes, rien à faire. Bande de truffes.]. Hop, emballé c’est pesé, on n’en parle plus avant le prochain mois de mars où « Oh, on découvre soudain l’endométriose, saytorible, il faut faire quelque chose » [Tiens-toi prêt pour les bons sentiments dégoulinants étalés sur les plateaux télé, ça arrive].

Donc c’est incurable. Et chronique. Chronique et incurable…

Oui. Ce sont d’ailleurs les deux qualificatifs employés dans The Lancet en 2017 pour définir cette maladie. Avec des douleurs invalidantes. Nous serons toujours malades, notre quotidien se dégradera. Malades et amenuisées avant notre diagnostic, malades et en sursis après nos opérations, malades et épuisées après notre ménopause.

« Endometriosis is a chronic and incurable condition associated with debilitating pain and subfertility that affects approximately 176 million women worldwide. It is a complex, and heterogeneous disorder of unknown aetiology« 

Horne AW, Saunders PTK, Abokhrais IM, Hogg L, on behalf of the
Endometriosis Priority Setting Partnership Steering Group. Top ten endometriosis
research priorities in the UK and Ireland. Lancet 2017; published online May 19.
http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(17)31344-2

Au bingo, tu as tiré : « La vie qui se ralentit et douloureuse, à vie », et aux symptômes qui partent dans tous les sens. Pour certaines, la maladie stagne un temps sans que l’on sache pourquoi, elle explose pour d’autres malgré chaque opération. Elle envahit progressivement ton quotidien et l’empêche. Monter ou descendre chaque escalier dans le métro est une épreuve, il te faut te reposer au bout de dix minutes de marche lente, tu te désengages des courses, du ménage, parce que tu t’écroules sinon pour plusieurs heures.

Mais c’est quand même une maladie gynécologique, non ?

Oui, absolument. Tellement que mon gynéco m’a enjointe de retourner voir mon chirurgien et ma généraliste, car « tout cela est hors de son domaine« . Et il a raison, si je liste mes symptômes quotidiens depuis août, quel spécialiste aller voir… lombalgie, cruralgie, épuisement, sciatique, diarrhée, constipation, ballonnements, fatigue chronique, dyspareunie, colopathie, dyschésie, pudendalgie. Certes, tous les deux ou trois mois j’ai quelques douleurs pelviennes… au passage…

Tu continues à travailler pourtant…

Oui. Ce n’est absolument pas pour me battre contre la maladie et gagner contre elle, ce serait se tromper totalement d’objet. C’est parce que tu serres les dents pour rester active et indépendante tant que les antidouleurs le rendront possible et payer ton loyer. Parce que psychologiquement, ne pas travailler c’est aller encore plus mal : on en parle peu en France, mais la prévalence du suicide chez les patientes endométriosiques est un sujet à soulever et à prendre en charge. Mais les arrêts sont de plus en plus nombreux, de plus en plus longs, et… absolument sans effet puisque les crises s’enchaînent les unes avec les autres. Et les médecins, sincères, de te dire à quel point ils sont démunis, à quel point ils peuvent simplement te procurer un temps de repos.

Combien parmi nous perdent leur travail, démissionnent, voient leur rythme de travail et leur efficacité valdingués par les crises ? Combien parmi nous quittent, se font quitter, divorcent parce que la maladie s’impose à chaque seconde tout en étant minimisée dans la prise en charge médicale et les aménagements professionnels ? Combien parmi nous n’ont presque plus de vie sociale, de contact avec leur entourage, parce que lutter contre une maladie chronique épuise, parce qu’étant extérieur on oublie vite les maladies invisibles, parce qu’aussi sentiment d’impuissance, déni et indifférence ?

Pour rappel : nous sommes presque 200 millions de femmes dans le monde à être concernées. Pour te donner une échelle, c’est presque autant que de femmes atteintes du diabète. Mais question formation médicale, prise au sérieux, accompagnement, recherche… on ne joue pas sur le même registre.

Et sinon, tu as essayé les baies de goji ?

Et ma main dans ta gueule, tu as essayé ?

Et tu peux aller faire un tour sur Endostats.com
HIIIIIIIIIIIII !!!(1)Boah...(0)

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